Pont André Vézinhet
Artiste montpelliérain de renommée internationale, Franck Noto vit et travaille dans la ville qui l’a vu naitre et faire ses premiers pas en tant qu’artiste alors qu’il n’était à l’époque qu’un jeune graffeur.
Présent dans les galeries d’art locales Nicolas-Xavier et At Down, comme à Marseille chez ArtCan Galerie ou encore Le Feuvre et Roze à Paris, Franck Noto est connu à travers le pays pour ses oeuvres tantôt douces, tantôt vives, aux couleurs acidulées. Mais sa carrière artistique professionnelle ne se limite pas aux frontières de notre hexagone et c’est aux États-Unis, en Argentine, en Allemagne, en Espagne ou encore à Dubaï qu’il a eu l’occasion d’intervenir dans le cadre de toute sorte de projets artistiques. Des projets qui lui ont permis d’asseoir sa notoriété et d’être reconnu dans le milieu de l’art.
Soucieux de rendre sa ville plus agréable et de contribuer au rayonnement culturel de la Métropole de Montpellier, il souhaite apporter sa pierre à l’édifice en transformant l’ouvrage routier qu’est le pont André Vézinhet en ouvrage d’art contemporain. Passionné de vélo, Franck Noto sait que ce pont constitue un véritable point de ralliement des cyclistes locaux désireux de quitter la ville pour une sortie nature. Ils se donnent rendez-vous chez « Quinquin », passent entre les piles et les arches du pont et mettent le cap vers le Pic Saint Loup. Mettre en peinture cet ouvrage symbolise pour l’artiste ce passage d’un monde à l’autre, cette nécessité d’aller vers un ailleurs apaisé et loin du vacarme urbain et ceci, qu’il s’agisse de cyclistes, d’automobilistes ou d’usagers des transports en commun.
Incarner cette volonté intrinsèque de mettre le passant au coeur de l’oeuvre en l’invitant à faire partie d’un univers graphique et pictural, en lui proposant de ralentir cette cadence infernale le temps d’un instant de contemplation où le monde s’arrêterait quelques secondes… l’artiste souhaite faire du passant un élément central de sa performance à laquelle les énergies de chacun contribueront à la rendre chaque fois plus vivante. Une immersion dans une bulle où seules les émotions règnent.
Une fresque aux couleurs des sentiments, manifestée par un choix de couleurs pastels, puis plus vives et soutenues. À l’image d’un éventail des forces qui amènent à ressentir tout un tas d’émotions, Franck Noto en appelle à notre instinct primaire : faire parler l’émotionnel grâce à l’abstrait, se détacher des idées préconçues de ce que l’on connaît et donner à parler à travers des aplats de couleurs identifiables par les émotions qu’ils transmettent. Grâce à la composition de sa fresque, l’artiste souhaite laisser la place à tous les niveaux de lecture possibles imaginés par tous.
Des niveaux de lecture articulés les uns avec les autres grâce à un jeu d’équilibre imaginé entre la rondeur et la rigidité des dizaines de facettes du pont que l’artiste va sculpter en peinture. Car oui, Franck Noto imagine sa performance comme une sculpture où chacun de ses aplats de couleurs viendrait modéliser le pont en lui donnant une profondeur inédite sans toutefois travailler la matière. Changer notre vision du pont par la mise en valeur de sa structure, en créant des angles par les facettes colorées, en donnant du volume à une surface plane, en jouant avec des couleurs qui s’évadent et qui fanent, et d’autres plus rigides pour y introduire un rythme énergique.
Un effet qu’il veut solide comme le béton mais vaporeux comme le mouvement sous le pont où la mobilité douce sera de mise avec l’arrivée prochaine de la nouvelle ligne de tramway.
Les arches et les piles qu’il voit comme des sortes de portes spatio-temporelles — à la manière d’un jeu vidéo — amèneront une profondeur de champ supplémentaire grâce aux nuances de bleu dont ils seront recouverts. Le travail de la surface comme s’il s’agissait d’une matière malléable, tel est le défi fixé par l’artiste qui souhaite faire de cette structure invisible aux passants, un point d’intérêt attractif remarquable.
Cette fresque, lisible qu’importe où l’on se trouve et quelle que soit notre appréciation de l’art contemporain, se veut comme une incitation à la rêverie où l’on briserait les codes d’un milieu qui nous est parfois inconnu, éloigné. Franck Noto imagine cette oeuvre à l’image de l’homme qu’il est au quotidien : avenant, vif, parfois taiseux, parfois expansif, mais par-dessous tout, sensible.
Laura Mari